Nécessité de fournir de la gomme aux Callitrichidés en captivité

C’est quoi un exsudat ?

Commençons par définir ce qu’est la gomme, en parlant plus largement des exsudats.

Les exsudats sont des substances organiques qui s’échappent des plantes lorsqu’elles sont malades ou blessées. En milieu naturel, on en distingue plusieurs types : la résine, la gomme, la sève et le latex. Concentrons-nous ici sur la gomme et la sève, la résine n’étant pas consommée, et le latex seulement en de rares occasions.

Tous les arbres produisent de la sève. Elle est hydrosoluble, riche en glucides simples, et facilement digestible.

La gomme, quant à elle, est souvent excrétée par les arbres pour combler ou protéger une blessure. Elle est riche en polysaccharides complexes, difficilement digestibles, et ne contient ni lipides ni vitamines. En revanche, elle est très riche en minéraux essentiels comme le calcium.

Ces deux substances peuvent parfois se mélanger lorsqu’elles s’écoulent d’une blessure.

Consommation en milieu naturel et adaptation

Tous les Callitrichidés consomment des exsudats dans la nature, mais pas avec la même fréquence. Les plus gros consommateurs sont les ouistitis, notamment ceux des genres Cebuella (ouistiti pygmée) et Callithrix (ouistitis dits « atlantiques », comme le ouistiti à toupets blancs ou le ouistiti à pinceaux noirs). Les autres espèces sont plus opportunistes : elles utilisent les exsudats comme ressource alimentaire secondaire, surtout pendant les saisons pauvres en nourriture.

La gomme est l’exsudat le plus consommé. C’est aussi le plus difficile à extraire et à digérer, ce qui a conduit à certaines adaptations anatomiques chez les espèces spécialisées.

Pour extraire la gomme, les ouistitis pratiquent le tree-gouging, c’est-à-dire qu’ils creusent des trous dans l’écorce des arbres pour en faire couler la sève. Leur mâchoire a évolué dans ce but précis : elle est adaptée par sa forme et sa robustesse. Les tamarins, en revanche, ont conservé une mâchoire et une dentition plus classiques, proches de celles d’autres primates comme les saïmiris (voir schéma comparatif).

La digestion de la gomme demande également des adaptations. Le système digestif des ouistitis est conçu pour cela : la gomme, composée de polysaccharides complexes, nécessite une fermentation microbienne. Leurs parties digestives les plus développées sont le caecum, le côlon et le gros intestin. Deux mécanismes digestifs coexistent : l’un pour les aliments facilement digestibles, l’autre pour les aliments complexes comme la gomme, qui sont fermentés dans le caecum afin d’assurer une libération lente d’énergie.

Les tamarins, peu adaptés à l’extraction directe de la gomme, se contentent de la récupérer sur des points naturels, sur des blessures d’arbre, ou sur des zones déjà creusées par d’autres espèces. Une étude suggère que certaines espèces de Saguinus consomment la gomme le soir avant de dormir, permettant une rétention plus longue dans le côlon et une fermentation plus efficace, compensant ainsi leur manque d’adaptation digestive.

Bien fait de la distribution et la consommation de gomme en captivité

La gomme présente un véritable intérêt nutritionnel et comportemental en captivité. Chez les ouistitis pygmées, elle peut représenter jusqu’à 70 % de l’alimentation selon la saison. Certaines espèces de Callithrix passent jusqu’à 50 % de leur temps à rechercher des exsudats.

Elle constitue une source importante de minéraux (calcium, potassium, magnésium…), essentiels et peu présents dans d’autres aliments.

La pratique du tree-gouging favorise l’usure naturelle des dents et renforce la mâchoire, contribuant à la prévention de problèmes bucco-dentaires sur le long terme.

Des études ont montré une amélioration du temps de digestion et de l’assimilation énergétique chez les ouistitis consommant de la gomme.

Dans certains parcs, une nette amélioration de la consistance des selles a été observée chez les tamarins après l’introduction de la gomme dans leur alimentation.

Une distribution qui stimule les comportements naturels de recherche alimentaire favorise le bien-être général des Callitrichidés, en prolongeant le temps dédié à l’alimentation et en enrichissant leur environnement.

Méthodes de distribution

L’intérêt principal de la gomme réside dans sa distribution adaptée aux comportements naturels des animaux.

En captivité, on utilise souvent de la gomme arabique (issue d’Acacia), facile à se procurer. Elle existe sous forme de poudre ou de cristaux, ces derniers étant mieux adaptés aux ouistitis, dont les dents sont plus robustes.

Une autre option consiste à introduire dans les enclos des plantes non toxiques productrices d’exsudats, stimulant ainsi la recherche alimentaire et le développement de comportements naturels.

Chez les ouistitis, on peut placer la gomme sur des troncs naturels, percés ou non, ou dans des cavités creusées par les animaux eux-mêmes. Cela encourage le tree-gouging. Au vu de leur consommation naturelle, la gomme peut leur être donnée quotidiennement, voire plusieurs fois par jour, en ajustant les quantités selon la ration.

Chez les tamarins, la distribution peut se faire de manière similaire, mais en utilisant uniquement des trous artificiels. On peut aussi utiliser des dispositifs rappelant des gousses, incitant l’animal à chercher la gomme avec ses mains. Étant des consommateurs occasionnels ou saisonniers, la gomme peut leur être proposée quelques fois par semaine, en quantité modérée, idéalement en soirée pour optimiser la digestion. 

Conclusion

Au vu de toutes ces informations, la gomme est bien plus qu’un simple enrichissement : elle est essentielle au bien-être des Callitrichidés en captivité. Elle joue un rôle positif sur le comportement, la nutrition et la santé.

Facile à inclure dans les rations, elle offre de nombreuses possibilités de distribution qui encouragent des comportements naturels. Ces bénéfices incluent une meilleure activité physique, un allongement du temps de recherche alimentaire, et une opportunité pédagogique à transmettre au public.

Pour toutes ces raisons, je recommande vivement son intégration dans la gestion des Callitrichidés.

Cassard Sibottier Thomas – ZooCalli Consult

Bibliographie

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EAZA Best Practice Guidelines:  Callitrichidae édition 3.2 2022

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